Maison Crivelli, nouveau nom de la parfumerie de niche.

J’ai dernièrement eu la chance de pouvoir découvrir les fragrances Maison Crivelli. Je parle de chance, car les belles rencontres en parfumerie deviennent de plus en plus rares et là, presque accidentellement, l’émotion a été au rendez-vous.

C’est une expérience olfactive singulière que nous offre Thibaud Crivelli, teintée de souvenirs de voyages, où chaque pas nous amène à nous laisser entraîner par des arômes émanant d’une terre lointaine. Un amour du végétal auquel je suis forcément sensible, une volonté de sublimer les belles matières premières, mais aussi de surprendre… car c’est justement ça, la parfumerie : susciter une émotion, rendre palpable l’impalpable, donner vie à des corps désincarnés.

Aujourd’hui, je vous propose mon avis sur les cinq opus de cette jolie maison : Absinthe Boréale, Bois Datchaï, Fleur Diamantine, Rose SaltifOlia et Santal Volcanique.

Maison Crivelli, haute parfumerie contemporaine : mon avis !

Découvrir une nouvelle maison de la parfumerie fait toujours figure d’apprentissage. Le parfum est un Art délicat, qui fait appel à ce que nous avons de plus intime : notre vécu, notre sensibilité, notre cœur. Ce jus que vous raffolez porter, n’aura sans doute pas le même retentissement pour moi. Les fragrances dans lesquelles j’aime m’envelopper vous sembleront peut-être sans intérêt. C’est précisément là que la parfumerie devient fascinante.

De nos jours, beaucoup de marques se complaisent dans l’évidence, dans ce qui charmera forcément (et qui, en conséquence, se vendra). Or, à mon sens, un bon parfumeur se doit de conserver cette envie d’éveiller nos sens, de nous sortir de notre zone de confort. Qui a envie de voir naître sur le marché un énième jus baigné par le sucre ? Bien sûr, je pourrais porter ce dernier, mais la rencontre avec ma peau restera stérile. Ce sera un parfum « qui sent bon », mais ça s’arrêtera là, comme une rencontre d’un soir à laquelle on n’a pas nécessairement envie de donner suite. Pourtant, ce qui donne tant d’intérêt à notre existence, ce sont bien les sentiments, la passion, la folie… et c’est précisément ce que j’attends lorsque je croise les effluves d’une fragrance. Que l’osmose soit immédiate et totale.

En l’occurence, avec Maison Crivelli, la magie a instantanément opéré !

Avant de vous donner mes impressions sur ses cinq premières fragrances, je tenais tout de même à vous souffler quelques mots sur le créateur de Maison Crivelli. J’imagine qu’en savoir davantage sur sa vision du parfum vous donnera déjà les cartes pour appréhender ses créations, ne serait-ce que sur le papier.

Thibaud Crivelli est issu du monde du marketing : il a travaillé pour les divisions parfums de Dior, Givenchy, Guerlain… Un parcours qui l’a amené à voyager – il a notamment passé 10 ans en Asie -, et à affiner sa sensibilité pour les fragrances. La notion de voyage fait partie intégrante des créations Maison Crivelli : le parfum comme une façon de faire renaître les souvenirs.

De ce véritable amour des fragrances, lui est née l’envie de posséder sa propre marque, tout comme son père pharmacien avait imaginé la sienne autrefois.

« Enfant, j’ai été marqué par des senteurs simples mais fortes : les odeurs des sous-bois en automne, de la glycine au printemps, des vieux pots pharmaceutiques dans la pharmacie de mon père, voire même la senteur de la cire d’abeille sur des parquets en bois ». Thibaud Crivelli.

Le jeune entrepreneur s’est alors entouré de Nez talentueux afin de créer les premières fragrances de la Maison Crivelli : Dorothée Piot, Richard Ibanez, Bertrand Duchaufour, Stéphanie Bakouche et Nathalie Feisthauer.

Maison Crivelli, ce n’est pas seulement l’histoire d’un passionné, c’est également une éthique, une volonté de « faire » du beau parfum, sous un angle presque artisanal. Slow Perfume, c’est ainsi que la marque nous définit son travail des essences :

• des fragrances composées sans phtalates ni colorants (le jus est présenté tel qu’il est, sans artifice),
• aucun test réalisé sur les animaux,
• des packagings responsables (flacons en verre, coffrets composés sans matériaux plastiques, cellophane utilisée pour l’emballage réalisée à partir de cellulose de bois),
• important sourcing sur les matières premières (certaines sont issues de plantations durables).

Je ne peux qu’être séduite par ce positionnement : une maison de la parfumerie de niche où le végétal est roi, où les fragrances sont vivantes et appellent l’imaginaire à se figurer des couleurs, des textures, des sensations… On peut tout à fait parler d’expérience ici, d’autant plus que les fragrances imaginées par Maison Crivelli sont loin d’êtres lisses et convenues. Ici, on parle d’inattendu, de mariages uniques et de fragrances initiatiques qui révèleront toute leur subtilité à qui saura les laisser parler.

Pour le moment, seules cinq fragrances sont disponibles, Maison Crivelli étant assez jeune, mais elles offrent déjà une large palette de sensations.

Maison Crivelli Rose SaltifOlia.

Parfumeur : Stéphanie Bakouche. 2018.

Notes : Poivre Rose, Rose, Algue, Notes Boisées, Orange Sanguine, Musc.

« Dunes de sel, zeste d’écume et bougainvilliers sanguins. Embruns pétillants. Ballet d’oiseaux roses, impériale Centifolia des vents. Tourbillon de sable et prairie d’algues soyeuses. Branches sous-marines, vibrations cristallines. »

C’est la parole qui entoure Rose SaltifOlia, mais libre à vous d’interpréter cette eau de parfum florale comme bon vous semble, de lui associer votre propre référentiel. C’est d’ailleurs ce que souhaite Thibaud Crivelli : que chacun se laisse aller à sentir les différentes facettes de ses fragrances, pour une appropriation totale. Faire d’un parfum votre parfum.

Rose SaltifOlia est une superbe rose – il est impossible de passer à côté de la qualité des essences utilisées – bousculée par une touche d’iode. Elle m’évoque les premières journées en bord de mer aux prémices du printemps, lorsque le vent frais réveille la peau, mais que notre envie des beaux jours nous pousse tout de même à sortir notre petite robe à fleurs. Le mélange est d’une modernité folle, très élégant. C’est un jus qui sied particulièrement bien à la renaissance végétale qui accompagne ce mois d’avril, avec une belle ondée verte qui se développe après quelques heures sur ma peau. J’aime particulièrement le contraste offert, cette douceur saline, une rose luxueuse dans un environnement sauvage et minéral. Vraiment très beau !

Maison Crivelli Santal Volcanique.

Parfumeur : Richard Ibanez. 2018.

Notes : Gingembre, Bois de Santal, Café, Citron Vert, Cardamome, Cèdre, Ylang-ylang, Musc.

« Nuée d’épices, cendres acides, tremblements : adrénaline en feu. Ascension : 3 700 mètres. Pente outre-noire : santal et cèdre brûlés, ylang séché. Coulée de café, cardamome crépitante, gingembre torréfié. Douceur rugissante. »

Curieuse, et pour honorer la philosophie de Maison Crivelli, j’avais délibérément choisi de ne lire de ces eaux de parfum que leur nom, sans prendre connaissance des notes qui les composaient. Ce santal que j’imaginais comme un bois hypnotique et opulent s’est avéré être beaucoup plus verdoyant et animé que prévu, baigné de lumière. Après la ballade en bord de mer initiée par Rose SaltifOlia, rendez-vous sur la route des épices. L’image qui me vient cette fois à l’esprit est un arbre majestueux, les branches tendues vers le ciel comme pour mieux accrocher les rayons du soleil. Santal Volcanique est un boisé tendre, marqué d’épices de toutes les couleurs. Rouge. Jaune. Ocre. Une fragrance profonde aux facettes multiples : le santal comme fil conducteur de toute la composition, puis le citron vert et son pétillant, le café qui vient corser le jus et lui amener du caractère, enfin le musc, noble et crémeux.

 

Maison Crivelli Bois Datchaï.

Parfumeur : Dorothée Piot. 2018.

Notes : Gaïac, Cèdre de Virginie, Papyrus, Cassis, Thé Noir, Cannelle, Patchouli, Encens.

« Course au bois, croquant de baies sauvages, ronces acidulées, heure d’été. Le premier arrivé. Jeux insolents, saveur thé fumé, écorces épicées. Roseaux mélodieux, copeaux fruités, braises éveillées. Lune rouge. »

Bois Datchaï, lieu merveilleux où l’on a envie de se perdre afin de mieux en apprécier chaque recoin. Il s’agit ici d’un boisé fruité avec une note fumée assez marquée, rendu original par la présence acidulée du cassis. J’aime tout particulièrement la façon dont le patchouli se dévoile : assez timide sur le départ, il prend toute son ampleur passés les premiers émois. Si vous aimez les jus racés qui sortent de l’ordinaire, vous l’apprécierez probablement !

 

Maison Crivelli Fleur Diamantine.

Parfumeur : Bertrand Duchaufour. 2018.

Notes : Safran, Néroli, Jasmin, Mousse de Chêne, Coumarine, Menthe.

« Lévitation florale, menthe froissée, safran glacé. Temps suspendu. Paradis suave et blanc : néroli chanté, iridescent, jasmin soufflé. Lit de mousses fraîches, corolles et plumes agitées : charme facetté. »

Passons à la jolie Fleur Diamantine, si légère et espiègle, enrubannée dans sa robe de néroli. C’est le plus gracieux et le plus féminin – si tant est que l’on puisse genrer un parfum – des cinq jus de la Maison Crivelli. A la première vaporisation sur peau, c’est une explosion florale qui nous saisit, puis peu à peu d’autres facettes sont révélées : la coumarine comme du foin, la mousse de chêne, quelques feuilles de menthe froissées. Cependant, n’allez pas vous imaginer Fleur Diamantine comme une fragrance verte ou trop végétale, loin de là. Dans cette composition, ce sont bel et bien le néroli et le jasmin qui mènent la danse, jasmin qui par ailleurs est d’une beauté à couper le souffle !

 

Maison Crivelli Absinthe Boréale. 

Parfumeur : Nathalie Feisthauer. 2019.

Notes : Armoise, Géranium, Thym, Romarin, Eucalyptus, Sapin Baumier, Sauge Sclarée, Lavande, Mousse de Chêne.

« Nuit feu follet, crissements de neige, abri douillet. Absinthe phosphorescente et citron des sous-bois :palpitations. Sève sucrée,fougère polaire, lavande lactée.Doux geyser, fourrure immaculée.Danse verte, cosmique, magnétique. »

Enfin, voici Absinthe Boréale, nouveauté de Maison Crivelli, signé par Nathalie Feisthauer (Eau Des Merveilles Hermès, Eau Belle Azzaro…). Cette fragrance est très particulière, sans doute celle qui m’a le plus surprise par ses aspects changeants. Un départ assez « masculin » qui d’instinct m’avait laissée à penser que ma peau ne se laisserait pas apprivoiser facilement, puis une douceur qui s’installe. La lavande – que j’aime beaucoup en parfumerie – confère à ce jus plein de caractère une touche de « propre », presque inaudible et pourtant bien présente. Pour l’accompagner, un furtif zeste citronné, pour apporter de la vivacité, comme un rai de lumière fusant au travers des épines des conifères avant d’aller se mourir sur les mousses grignotant le pied des chênes.

Une association étonnante de propre et d’amer, de frais, d’aromatique et de crémeux, magnétique et réconfortante, définitivement l’eau de parfum Maison Crivelli qui m’a laissé l’impression la plus forte. Ne dit-on pas que ce qui n’est pas immédiatement acquis est encore plus désirable ? En l’occurence, Absinthe Boréale est réellement un jus qu’il faut porter et laisser vivre pour en saisir toutes les subtilités. Sublime !

 

Voilà cinq créations surprenantes pour amatrices et amateurs d’originalité ! Je trouve leur tenue excellente sur peau, les matières premières utilisées de grande qualité. L,’émotion transpirant de chaque fragrance font définitivement de Maison Crivelli une adresse de la parfumerie de niche à retenir !

Concernant la gamme de prix, comptez 180 € pour un format 100 ml et 80 € pour un 30 ml. La marque est est disponible en ligne, sur la boutique des Galeries Lafayette.

Certaines d’entre-vous ont-elles eu l’occasion de découvrir les créations Maison Crivelli ? De ces cinq fragrances, laquelle vous semble faite pour vous ?

Je vous dis à très vite,

Lili.